Lectures messe : https://www.aelf.org/2018-08-12/romain/messe
(1 R 19, 4-8) (Ps 33 (34), 2-9) (Ep 4, 30 – 5, 2) (Jn 6, 41-51)
Je vais consacrer mon homélie à cette dernière phrase de l’évangile que nous venons d’entendre : le pain que je donnerai c’est ma chair donnée pour la vie du monde.
La semaine dernière on avait parlé de la 1ère partie de la messe, de la liturgie de la Parole. Comme Moïse avait nourri son peuple au désert avec la manne jusqu’à l’arrivée en Terre Promise, de même, Jésus nourrit nos âmes du Pain de sa Parole dimanche après dimanche tout au long de notre vie, qui est comme un long pèlerinage au désert jusqu’à la Terre Promise du Paradis.
La première lecture reprend cette idée, car Elie est nourri par Dieu lui-même au désert, et ce pain divin lui donne la force de marcher 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu. Jésus aurait pu se contenter de prêcher que la Parole de Dieu est cette nourriture qui nous fait traverser le désert. Mais il ira plus loin. Il est le Verbe fait chair. Il est la Parole de Dieu incarnée. C’est lui-même notre nourriture !
Cela fait une transition avec la 2ème moitié de la messe, où il n’est plus question de la Parole de Dieu mais du corps du Christ, qui est la Parole incarnée. C’est à partir de ce moment que ses auditeurs ont du mal à y adhérer. Regardons de près la dernière phrase de l’évangile d’aujourd’hui :
« Le pain que je donnerai c’est ma chair donnée pour la vie du monde ». Le voudrais attirer votre attention sur la 2ème partie de la phrase. Il ne dit pas seulement « c’est ma chair » mais « c’est ma chair donnée... » donnée pour la vie du monde !
A la messe, depuis le concile, le prêtre consacre le pain en disant « ceci est mon Corps... » et c’est quoi la suite ? « Mon Corps livré pour vous ». C’est capital ! L’Hostie n’est pas seulement le corps de Jésus, c’est le corps de Jésus livré pour nous, en train de s’offrir au Père sur la Croix pour notre salut.
Rappelez-vous le contexte dans lequel Jésus instituera l’eucharistie juste un an après le discours que nous venons d’entendre. Il est à table avec Juda. Il peut encore sauver sa vie mais il choisit de se laisser trahir parce qu’il veut porter le poids de nos péchés sur la croix. Dans la même prise de parole, Jésus dira « l’un de vous va me trahir » et « ceci est mon corps livré pour vous, faites ceci en mémoire de moi ». Comme si une chose était la conséquence de l’autre. Lors de la première messe, Jésus nous a tous connus et aimés à l’extrême. Pour chacun de nous, il a accepté de se laisser trahir par Juda.
« Faire mémoire » pour un juif veut dire « rendre présent ». Quand nous accomplissons les rites de la messe que Jésus nous a demandé de faire en mémoire de lui, nous rendons présent cet instant dans lequel il a choisi de se livrer pour nous, cet instant dans lequel chacun de nous a été aimé plus que jamais.
Monsieur, madame, quand Jésus célébrait la première messe, il était tenté de fuir, mais il a pensé à vous, à vos péchés, au salut éternel de votre âme, et il s’est dit « pour lui, pour elle, ça vaut la peine de se laisser trahir par Juda, je veux payer le prix de ses péchés afin de lui obtenir le pardon éternel ». Cet instant d’amour infini, qui contrebalance tous les manques d’amour de tous les péchés du monde, voilà ce que nous rendons présent à chaque eucharistie : « ceci est mon Corps, livré pour vous ».
C’est plus encore qu’une photo de mariage qui rend présent l’instant dans lequel un homme donne sa vie à une femme et vice-versa ». La messe nous fait remonter dans le temps pour pouvoir assister à la Pâque de Jésus et recevoir cet amour infini avec lequel il nous a aimés alors qu’on n’était pas encore nés.
Alors, comment tirer profit de cette nourriture spirituelle qui nous donne la force de marcher dans le désert de la vie 40 jours et 40 nuits ? En rejoignant Jésus dans ce don de lui-même, comme Marie l’a fait au pied de la croix en s’offrant avec Jésus pour le monde. En étant donné à lui comme il est donné à nous. C’est la toile de fond de la 2ème partie de la messe :
Après avoir écouté la Parole de Dieu, nous adhérons à cette révélation de Dieu en professant notre foi. Puis, à la prière universelle nous présentons au Seigneur les besoins de notre humanité et les nôtres. Tout ce que nous portons dans notre cœur est mis sur l’autel au moment de l’offertoire. C’est la symbolique de la quête et de la procession des offrandes. Quelque chose qui vient de l’assemblée est présentée à l’autel pour être offert avec Jésus. La prière sur les offrandes insiste sur le fait que ce pain et ce vin nous représentent tous. Ce sont nos cœurs que le prêtre dépose sur l’autel, avec nos soucis quotidiens, mais aussi avec notre générosité, notre disponibilité à le servir, à servir nos frères humains dont les besoins ont été évoqués à la Prière Universelle.
Le but c’est de rejoindre l’attitude de don de soi avec laquelle Jésus a célébré sa première messe. Devenir un autre Christ. Ce que nous mettons sur l’autel et qui nous représente deviendra le Corps du Christ livré pour nous. L’objectif c’est de devenir nous-mêmes Corpsdu Christ tout offert à Dieu, et c’est ce qui arrivera au moment de la communion quand nous ne ferons qu’un avec lui.
Ses dernières années, en me préparant à devenir prêtre, j’étais particulièrement ému quand je voyais un vieux prêtre célébrer la messe, ces personnes qui ont dépensé leurs vies au service des autres... on les voit célébrer la messe et on se demande qui est le prêtre et qui est l’hostie, si c’est lui qui est en train d’offrir au Père le sacrifice de Jésus ou si c’est Jésus qui est en train d’offrir le sacrifice du prêtre, tellement il est devenu un autre Christ par sa vie toute donnée...
Mais ce n’est pas réservé aux prêtres. Vous qui recevez le Corps du Christ à la messe, vous pouvez prolonger cette union en étant tout donnés à lui le reste de la journée comme il est donné à vous pendant la messe. Par lui, avec lui et en lui, offrons-nous à Dieu le Père tout puissant, pour lui rendre toute honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles. Amen.
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