Homélie fête dédicace de l’église:
Lettre d’un coach professionnel pour entrepreneurs adressée à la menuiserie de Nazareth :
Cher monsieur Jésus,
Vous trouverez ci-joint l’évaluation des 12 hommes que vous avez choisis pour des postes de responsabilité dans votre nouvelle organisation. Nous sommes arrivés à la conclusion que la plupart de vos candidats manquent d'expérience, n'ont guère de formation et peu d'aptitudes pour le genre d'entreprise dans laquelle vous comptez vous lancer.
Simon-Pierre souffre d’instabilité émotionnelle. Les frères Jacques et Jean, fils de Zébédée, placent leur intérêt personnel au-dessus du dévouement envers l’équipe. Le scepticisme de Thomas freinera l'enthousiasme du groupe. Nous sommes au regret de vous informer que Matthieu figure sur la liste noire de la "Commission nationale pour l'honnêteté dans les affaires" et Simon le Zélote sur la liste des terroristes recherchés par les autorités romaines. Plusieurs ont des tendances maniaco-dépressives.
Un seul des candidats a de grandes possibilités. Nous vous recommandons de prendre comme bras droit Judas Iscariote. Pour le reste nous vous suggérons de continuer vos recherches en vue découvrir des candidats qui aient de l'expérience dans la gestion des affaires et démontré leurs compétences.
Eh oui, voilà les 12 apôtres, les fondations sur lesquelles est bâtie l’Église. Le livre de l’apocalypse (chap 21), que nous venons d’entendre, dit que dans la cité sainte il y a 12 portes correspondant au 12 apôtres de l’agneau. C’était des gens incompétents et qui ne vont pas ensemble ! Matthieu était un publicain comme Zachée dont il a été question dans l’évangile (Lc 19), un traitre qui collectait des impôts pour les envahisseurs romains, qui plongeait dans la pauvreté ses compatriotes sans aucun scrupule avant de rencontrer Jésus. Simon le Zélote, au contraire, faisait des attentats terroristes contre les romains. Ces deux disciples-là n’allaient pas ensemble ! Pas plus que les autres. Ils se disputaient pour avoir les premiers postes. Les enfants de chœur du Beausset sont plus sages qu’eux ! ils ne se disputent pas pour rendre tel ou tel service.
Il leur faudra 3 ans pour comprendre que le messie n’est pas venu pour combattre les romains mais le péché, qui est dans le cœur de chaque homme et qui est l’origine de toutes les guerres et de tous les malheurs.
Avant de donner sa vie pour nous sauver du péché, Jésus a prié pour ceux qui croiront un jour en lui, pour qu’ils soient un et il leur a adressé ses dernières volontés : « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ce n’était pas gagné. Le groupe aurait pu se déchirer après le départ de Jésus, comme des nombreuses familles se déchirent pour des questions d’héritage après le départ du parent qui soudait la famille.
Comme je vous disais aux alentours de l’Ascension, l’élément qui a tout changé a été la présence de Marie au Cénacle. Le début du livre des actes des apôtres nous dit qu’ils se sont préparés à la Pentecôte en priant d’un seul cœur avec elle dans la chambre haute. Pour cette raison, j’ai voulu que notre paroisse fasse une neuvaine à ND du Beausset Vieux entre l’ascension et la pentecôte. Je rêve que le Beausset Vieux soit notre chambre haute, où Marie réunit ses enfants, les apôtres Beaussetans pour qu’ils accueillent l’Esprit Saint d’un seul cœur et une seule âme.
Depuis la Pentecôte, avec la force de l’Esprit Saint, les premiers chrétiens ont annoncé, servi et célébré l’amour de Dieu d’un seul cœur et une seule âme. La charité des chrétiens a converti tout l’empire romain en 3 siècles. Ce n’était pas un messie guerrier ni politique qui nous fallait mais un Dieu fait homme qui nous sauve du péché.
Les gens fascinés disaient à propos des premiers chrétiens : voyez comme ils s’aiment ! J’ai déjà entendu des nouveaux arrivés dans la paroisse dire « voyez comme ils s’aiment, les paroissiens du Beausset ». Malheureusement, au bout de quelques mois dans la paroisse ils ne disent plus la même chose...
L’Église grandit par attraction. Lors de la chute de l’empire romain, l’Europe a été évangélisée par les monastères, qui étaient des oasis de spiritualité et de culture. Dans d’autres continents le christianisme s’est répandu surtout à travers les œuvres caritatives, malgré quelques contre-témoignages. Depuis 2000 ans, l’Église existe pour faire connaître le Dieu d’amour, le célébrer et mettre en pratique ses commandements d’amour.
Aujourd’hui notre église du Beausset fête ses 171 ans. En ce jour, cette Église a été construite pour que la mission des chrétiens s’accomplisse dans ce petit bout de planète qu’est le Beausset.
Comme vous savez, le premier lieu de culte du Beausset a été la chapelle du Beausset Vieux. Puis, quand le village est descendu du château c’est à l’emplacement de l’actuelle mairie que se trouvait l’église. En fin, notre grande église a vu le jour en 1853, à mi-chemin entre la révolution française et la séparation de l’Église et de l’état : l’époque de croissance entre deux crises où la France a évangélisé l’Océanie en partant de Toulon, entre autres.
La paroisse du Beausset est née pour témoigner de l’amour de Dieu, et elle l’a fait tout au long de son histoire : la maison des frères et le patronage de Mlle Dol, par exemple, ont marqué plusieurs générations de Beaussetans. L’histoire de la paroisse a été marquée, entre autres, par des événements tels que la renaissance du Beausset Vieux en 1962 dans le domaine du service, l’ouverture de l’aumônerie du collège 1989 dans le domaine de l’annonce de foi, et le lancement des 24h d’adoration en 2010 dans le domaine de la célébration. Mais l’histoire récente a connu aussi la même déchristianisation que le reste de la France : baisse de toute pratique religieuse chez les jeunes générations, perte de traditions telles que la Ste Cécile, la Ste Barbe ou les messes patriotiques du 11 nov. et 8 mai... Nous avons relu cette histoire en conseil pastoral afin de discerner la vision pour l’avenir.
Je ne vous apprends rien en vous disant que ces 40 dernières années le nombre de baptêmes a chuté dans toute l’Europe. Dans notre diocèse, on est passé de 7000 à 2000 baptêmes par an alors que la population a beaucoup augmentée. La France laïque et soumises aux lobbys américains croit qu’elle n’a plus besoin de Dieu. Pourtant, jamais les Français ont été si malheureux que depuis qu’ils n’ont pas Dieu dans leurs cœurs. Nous sommes un des premiers consommateurs d’antidépresseurs. Une amie psychiatre disait à ma sœur qu’elle était partagée entre deux choix professionnels : quand elle fait de l’humanitaire dans un pays pauvre elle fait des soins basiques sans pouvoir exercer sa spécialité. Mais quand elle travaille en Europe elle ne fait que prescrire des antidépresseurs et anxiolytiques. On pourrait parler du taux de divorces et de suicides toujours en croissance, on pourrait parler de ces 1435 Beaussetans qui vivent seuls, de ces 4000 familles monoparentales, de la montée de l’islamisme radical, de cette jeunesse qui manifeste pour la dignité des animaux qu’il ne faut plus manger et à la fois manifeste pour la non-dignité des bébés humains handicapés qu’il faut tuer jusqu’à 9 mois ; de tous ces jeunes qui ne savent plus s’ils sont un homme ou une femme...
Et en plein milieu de toute cette confusion et perte de repères ancestrales qui fondaient la cohésion sociale de la France, voilà qu’une nouvelle génération de chrétiens se lève. Alors que les baptêmes d’enfants sont en diminution, les baptêmes d’adultes sur toute la France ont augmenté en 10 ans de 5000 à 9000 et en un an de 9000 à 12000, sans compter tous les baptisés non pratiquants qui sont revenus à la pratique religieuse cette année.
Notre paroisse compte une cinquantaine de nouveaux pratiquants de tout âge qui ont découvert ou redécouvert la foi. Tous les mois il y a des personnes qui nous demandent comment devenir chrétiens.
Le témoignage de ces nouveaux convertis est unanime : dans la paroisse du Beausset j’ai trouvé une nouvelle famille !
La pastorale des sacrements est un lieu où plusieurs familles viennent sans avoir une véritable vie chrétienne et découvrent l’amour de Dieu. Merci aux couples qui se joignent aux prêtres et aux sœurs pour les accueillir et témoigner de l’amour de Dieu auprès d’eux. Il y a aussi les jeunes de l’aumônerie qui invitent leurs copains et qui sont déjà 4 fois plus nombreux que l’année dernière. Plusieurs vont faire leur baptême dans deux semaines. En plus de la catéchèse de toutes les tranches d’âge, on pourrait aussi citer le catéchuménat adulte, les fraternités de disciples, les parcours d’approfondissement ou de première annonce de la foi, comme Alpha ou Venez et Voyez. La paroisse du Beausset est une famille qui annonce l’amour de Dieu.
En cet anniversaire de notre église du Beausset, mettons aussi à l’honneur tous ceux qui expriment leur foi à travers le service : les travailleurs du Beausset-Vieux, les chevaliers de Colomb, les animateurs de la maison des frères, les visiteurs des malades, les petites mains de nos brocantes et kermesse, du ménage, de l’entraide, de la garderie, de la logistique des messes des familles, du secrétariat et comptabilité, de l’entretien du presbytère... quand je suis arrivé dans cette paroisse j’ai entendu des bénévoles se plaindre que c’est toujours les mêmes qui font tout depuis 40 ans et qu’ils fatiguent. 4 d’entre eux ont démissionné cette année de responsabilités importantes pour des raisons de santé. Et la relève est arrivée ! Il y a un j’ai passé le même questionnaire de services qu’aujourd’hui pour que chacun dise dans quoi il aimerait s’engager. Mon 1er objectif était de dynamiser et donner une pérennité à l’existant avant de mettre en place d’autres choses, et l’objectif est atteint ! Merci à vous ! La paroisse du Beausset est une famille qui sert l’amour de Dieu.
En fin, le domaine qui me semble le plus emblématique de notre paroisse c’est celui de la célébration. Depuis l’inauguration de cette église que nous fêtons en ce jour, les Beaussetans ont toujours offert à Dieu ce qu’ils avaient de plus beau : la taille de l’église et des cloches, le chœur, le mobilier et objets sacrés, le service de messe des enfants, la chorale, les messes de Noël, Pâques et communions... là aussi la relève est arrivée. Nous sommes plusieurs à considérer que la chorale du triduum pascal de cette année est l’icône même de la paroisse que nous rêvons : tous les âges et toutes les générations ensemble, dans la complémentarité harmonieuse de leur voix pour célébrer l’amour de Dieu avec ce qu’on a de plus beau. La paroisse du Beausset est une famille qui veut célébrer l’amour de Dieu d’un seul cœur et une seule âme.
Conclusion : célébration, service et annonce de la foi, voilà les 3 axes qui articulent toute la vie de notre paroisse avec une aspiration commune à faire de la paroisse une grande famille en croissance, unie par les liens entre les générations avec un même but : l’amour de Dieu.
Voilà pourquoi les deux ans de réflexion du conseil autour de la vision, avec relecture de l’histoire de la paroisse, des attentes des Beaussetans, des consignes du pape, etc. nous ont fait aboutir à une phrase qui nous semble être la synthèse de ce que Dieu attend de nous, la vision de Dieu pour notre paroisse, je vous la présente pour qu’elle devienne une sorte de slogan qui fait l’unité de toutes les personnes et activités de la paroisse. Voilà notre vision :
La paroisse du Beausset : une famille qui célèbre, sert et annonce l’amour de Dieu d’un seul cœur et une seule âme.
Cette devise, résume le plan pastoral pour les 6 années qui me restent comme curé du Beausset. Comme vous savez, le nouvel évêque est content de ma première année comme administrateur du Beausset et de l’équipe que nous formons, les deux prêtres et les deux sœurs d’ici et il a décidé de nous prolonger ici jusqu’en 2030. La célébration, le service et l’annonce de l’amour de Dieu seront les 3 axes prioritaires de notre pastorale pendant ces années.
Concernant le service, mon premier objectif a été de trouver la relève. Mon prochain objectif sera de faire des fiches de poste et mandats à durée déterminée, que chaque bénévole sache exactement à quoi il s’engage et pour combien de temps, une sorte de charte du bénévolat. On affichera un organigramme des différentes responsabilités et on veillera à ce que personne ne soit le seul à savoir faire ce qu’il fait. Le but c’est que ce ne soit plus la panique quand quelqu’un démissionne pour des raisons de santé. En 2030, quand je partirai, je veux donner à mon successeur une paroisse clé en main qui tourne toute seule. Vous savez quoi ? Je rêve d’être succédé par un vieux prêtre retraité qui n’a pas besoin d’un grand dynamisme pour faire tourner une machine qui tourne toute seule parce que les bénévoles sont devenus des leaders ! Un questionnaire de services a été distribué et une commission va être créée pour la mise en place d’une structure pérenne.
Mais le service ce n’est pas seulement pour la gestion matérielle de la paroisse et de ses activités. Je rêve que l’esprit de service aille au-delà des structures : qu’on se rende service les uns les autres dans nos besoins quotidiens, qu’on veille les uns sur les autres.
Enfin, dans le domaine du service, je pense aussi à une diaconie paroissiale qui repère les besoins des Beaussetans que les services sociaux n’auraient pas encore satisfait et qui permet à l’Église de redevenir pionnière dans tous les domaines de la charité, comme elle l’a toujours été. Par exemple, pourquoi pas faire renaitre l’ancien patronage de Mlle Dol, si jamais cela répond à un besoin de notre ville.
Concernant la célébration, je pense à la beauté de nos liturgies communautaires bien sûr, mais aussi à la vie spirituelle et eucharistique de chaque paroissien qui célèbre l’amour de Dieu dans son cœur : que les 24h d’adoration mensuelle deviennent 32h, puis qu’elles deviennent hebdomadaires et jusqu’à faire une chapelle d’adoration perpétuelle. Que le chapelet mensuel pour les vocations devienne un chapelet quotidien pour la paix, comme Notre Dame l’a demandé dans des nombreuses apparitions, que nous soyons nombreux à la messe quotidienne, y compris celle du lundi et du samedi.
Concernant l’annonce de la foi, le parcours alpha fait déjà carton plein. Il faut créer d’autres parcours de découverte de la foi auxquels nous emmenons les non pratiquants qui viennent ponctuellement à l’occasion d’une fête annuelle, d’un sacrement ou d’un enterrement. Puis, des parcours de catéchuménat et fraternités de disciples afin que les nouveaux convertis puissent apprendre la vie chrétienne et s’intégrer dans une communauté soudée. La priorité du bon berger c’est la brebis égarée. Quand nous aurons intégré les non-pratiquants, il faudra inviter les éloignés de l’Église, développer l’intégration de la paroisse dans la vie du village et de ses associations.
Pour terminer, je vous invite à vous interroger sur ce qui à l’intérieur de chacun peut être un obstacle à cette transformation pastorale. On ne deviendra pas une famille si nous restons des consommateurs de sacrements sans engagement au-delà de la messe dominicale. On deviendra une famille si l’accueil des nouveaux devient notre priorité. Aussi bien les nouveaux que les anciens, quand on a l’habitude d’être entre amis à la messe et dans les engagements paroissiaux, ce n’est pas toujours facile d’intégrer des inconnus, surtout ceux qui n’ont jamais appris à se tenir correctement dans une église. Dans l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus risque sa réputation parce qu’il se lie d’amitié avec des gens pas très fréquentables mais la conversion de Zachée va à son tour porter secours à plein de familles nécessiteuses. Je rêve que cette église si grande se remplisse de gens pas très fréquentables.
Si nous faisons tout cela aujourd’hui, En 2053, pour les 200 ans de l’église, ceux qui vivront au Beausset diront « c’était vrai, la paroisse du Beausset est devenue une famille qui célèbre, annonce et sert l’amour de Dieu d’un seul cœur et une seule âme ».
Comments