Lectures messe: https://www.aelf.org/2021-05-09/romain/messe
En préparant cette homélie j’ai lu en boucle cet évangile jusqu’à (presque) l’apprendre par cœur. Les paroles de Jésus sont tellement profondes qu’il nous faut une vie pour puiser toute leur signification. Donc ne vous contentez pas de cette pauvre homélie, retenez les paroles de Jésus lui-même et vous passerez le reste de votre vie à y puiser des nouvelles lumières.
Je vais commencer par la phrase la plus surprenante : « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ». Seul Jésus peut dire une chose pareille. Si un homme vous offre son amitié à condition de lui obéir en tout c’est, peut-être, qu’il se prend pour Dieu. Sauf que Jésus est vraiment Dieu, donc il peut le faire !
Mais plus largement, c’est vrai que dans toute amitié, nous cherchons à faire plaisir à la personne aimée. Si nous voulons être les amis de Jésus nous devons faire ce qui lui fait plaisir, donc obéir aux commandements de la bible. Vous savez que les 10 commandements se résument en deux : aimer Dieu et son prochain, et c’est bien de cela que Jésus parle quand il dit « vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande ».
Attention, c’est fréquent, aussi bien dans notre amitié avec Jésus, que dans nos amitiés avec les gens, que nous voulons prouver notre amour à notre façon au lieu de chercher ce qui fait vraiment plaisir à la personne, surtout si ce n’est pas la façon qu’on aurait choisi d’exprimer notre amitié. Combien de couples ont des problèmes de communication parce que la façon dont l’un exprime son amour n’est pas la façon à laquelle l’autre est sensible ! concernant Jésus, il y a des personnes qui récitent beaucoup de prières mais leur vie spirituelle est bloquée parce qu’ils refusent de pardonner un tel. Ils font beaucoup de choses pour Dieu mais ils ne font pas la chose que Dieu leur demande et qui lui fait vraiment plaisir. Ce sont deux exemples parmi plein d’autres.
Jésus nous a dit comment lui faire plaisir si nous acceptons son amitié : « mon commandement le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». En quoi c’est un commandement nouveau ? Les 10 commandements de Moïse se résument justement dans celui d’aimer Dieu et son prochain, mais le commandement de Jésus est nouveau parce qu’il a rajouté quelque chose. A différence de Moïse, il ne nous demande pas d’aimer notre prochain comme soi-même mais de l’aimer comme Jésus nous a aimé. Et vous savez jusqu’où est allé Jésus dans son amour pour nous... voilà comment il nous demande de nous aimer. Il le rajoute explicitement : « aimez-vous comme je vous ai aimés, il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie ». Donc vous avez bien compris : il s’agit d’aimer notre prochain plus que notre propre vie.
1Co 1 : la sagesse de la croix est folie aux yeux du monde et vice-versa. La logique du monde c’est que chacun doit chercher son bonheur tout en respectant l’autre. « Ma liberté finit là où commence celle de l’autre. » Par exemple, dans un couple, chacun doit trouver son compte. C’est le contraire de la logique de Dieu, où chacun doit aimer l’autre jusqu’à l’oubli de soi. Mais paradoxalement, il n’y a pas de plus grande joie que celle de vivre pour le bonheur d’un autre.
Le psychiatre Victor Franck, juif qui a survécu en camp de concentration nazi, explique que ceux qui tenaient bon malgré les affreuses conditions, ce n’était pas les plus forts, mais ceux qui avaient la foi ou qui aimaient beaucoup quelqu’un : ceux qui vivaient pour la Gloire de Dieu ou pour le bonheur d’un autre. Il va jusqu’à dire que la vie vaut la peine d’être vécue, seulement à partir du moment où tu vis pour quelqu’un que tu estimes plus important que ta propre vie. C’est quand tu es prêt à mourir pour quelqu’un que tu commences à vivre pleinement. Aux dires de Jésus lui-même : « je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et votre joie soit complète ».
Si cela vous donne un certain vertige c’est que j’ai réussi vous faire pressentir à quel point cela nous dépasse, alors que c’est notre aspiration la plus profonde : l’homme aspire de tout son être à un amour inconditionnel dont il n’est pas capable. Et pourquoi un tel paradoxe ? parce que nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu mais nous avons péché. Pour reprendre des images bibliques, l’homme ressemble à du sel fade, de la lumière sous le boisseau ou un sarment de vigne sans raisins. Nous sommes un appareil cassé incapable de faire ce pour quoi il a été fabriqué.
Voilà pourquoi Jésus est le sauveur du monde. Parce que lui seul peut nous rendre capables de cet amour pour lequel nous sommes faits. L’évangile d’aujourd’hui c’est la suite du discours de Jésus de la semaine dernière : je suis la vigne, vous les sarments, (...) vous ne pouvez pas porter du fruit si vous ne demeurez pas en moi, (...) si vous gardez mes commandements vous demeurerez en moi, (...) mon commandement c’est de vous aimer ».
Je trouve que cet évangile avec la 2ème lecture d’aujourd’hui c’est un résumé de toute la bible. Écoutez la 2ème lecture : « celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu car Dieu est amour ». Tout est dit.
Le Père, le Fils et le St Esprit s’aiment depuis toute éternité, chacun ne vit que pour le bonheur de l’autre, chacun trouve son bonheur dans le bonheur de l’autre. L’homme a été créé à l’image et à la ressemblance de ça, mais à cause du péché il est devenu incapable de cet amour. Jésus en croix nous donne cet amour, ce don de soi inconditionnel, jusqu’à préférer notre vie à la sienne. C’est en recevant cet amour à l’eucharistie que nous devenons capables d’aimer à notre tour comme il nous a aimé. Seul celui qui se sait aimé inconditionnellement devient capable d’aimer à son tour.
Toute famille, reflet de la Trinité, doit être ce lieu ou chaque personne fait l’expérience d’être aimée, même quand il ne le mérite pas. Si les personnes qui connaissent mes défauts les plus honteux m’aiment, c’est que je suis aimable. Tout homme doit faire l’expérience d’être aimé pour ce qu’il est vraiment et ne pas en raison de l’image qu’il montre aux gens.
Ce n’est pas pour rien que Jésus a prononcé ces paroles, les plus sublimes de toute la bible, le soir de la cène, après avoir lavé les pieds de ses disciples. Le même soir, Jésus choisit de se laisser trahir par Juda pour payer le prix de tes péchés sur la croix parce qu’il t’aime. Le même soir, il institue l’eucharistie pour qu’au fil des siècles tout homme puisse se rendre présent à la cène et recevoir ce torrent d’amour que nous n’avons pas mérité.
A chaque messe, tel un Époux qui vit et meurt pour son épouse, qui lui donne son corps ; Jésus nous donne son Corps livré pour nous et à la Communion il devient une seule chaire avec le nôtre.
« Demeurez en mon amour, et vous porterez du fruit en abondance ». Unir notre corps au sien en une seule chaire par la communion eucharistique, tel un époux et une épouse, je ne connais pas de moyen plus excellent pour que le sarment demeure uni à la Vigne et porte du fruit, pour que l’homme redevienne capable de cet amour pour lequel il a été fait.
Je termine en redescendant vers quelque chose de très concret. Vous venez de toucher la différence entre le mariage à la mairie et le mariage à l’Église. Le mariage à la mairie est un contrat à deux où chacun trouve son compte. Le mariage à l’Église est un sacrement où chacun s’engage devant Dieu et reçoit de Dieu la Grâce pour être un reflet de cet amour inconditionnel avec lequel Jésus a aimé son Église : je m’engage à vivre pour ton bonheur en oubliant le mien, à mourir pour toi s’il le faut, à t’aimer, aussi bien si tu le mérites que si tu ne le mérites pas.
Mais Jésus nous a demandé d’aimer tout le monde avec un amour comme le sien et ne pas seulement le conjoint. Savoir que Jésus aime quelqu’un devrait nous suffire pour l’aimer à notre tour. Et de fait, plus on se sait aimé par Jésus plus facilement on aime tout le monde. En attendant que Jésus vous donne cette Grâce d’aimer tout le monde, je vous laisse avec cette phrase qui m’avait marqué quand j’étais séminariste : « aimer ce n’est pas ressentir de l’affection, aimer c’est vouloir aimer ».
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